Dans la quête de l’énergie du futur, la fusion nucléaire représente le Saint Graal des physiciens et des ingénieurs. Aujourd’hui, cette quête prend un tournant inattendu avec l’arrivée d’un allié de poids : l’intelligence artificielle (IA). EUROfusion, l’institution européenne chargée de coordonner la recherche sur la fusion nucléaire, mise gros sur cette technologie, et pour cause.
L’IA s’est déjà illustrée dans ce domaine complexe. En janvier 2022, une équipe du MIT a développé un modèle de turbulence utilisant l’apprentissage profond, ouvrant la voie à une meilleure compréhension du comportement du plasma dans les réacteurs. Parallèlement, en Europe, des experts de Fusion for Energy (F4E) travaillent depuis plus de deux ans sur un projet pilote utilisant l’IA pour prédire les défauts de soudure dans la chambre à vide du réacteur ITER.
Ces succès ne sont que la partie émergée de l’iceberg. EUROfusion a identifié de nombreux domaines où l’IA pourrait accélérer significativement les progrès. Parmi eux, l’amélioration de notre compréhension de la dynamique des particules chargées dans les champs magnétiques, l’atténuation des événements perturbateurs pouvant interrompre la réaction de fusion, l’analyse de l’érosion des matériaux dans la chambre à vide, et le traitement rapide des données pour le contrôle en temps réel du réacteur.
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EUROfusion a lancé 15 projets d’IA pour faire progresser la fusion nucléaire.
Face à ces défis titanesques, EUROfusion a lancé pas moins de 15 projets de recherche centrés sur l’IA. Sara Moradi, chef de l’unité de gestion du programme EUROfusion, souligne l’importance de cette approche : “L’apprentissage automatique et l’IA sont des outils puissants qui nous permettent d’extraire des connaissances des données, d’identifier des modèles et de suggérer des schémas de contrôle qui seraient trop coûteux en termes de calcul avec des modèles informatiques traditionnels.”
Cette stratégie audacieuse s’appuie sur des décennies de données expérimentales accumulées dans le domaine de la fusion. L’objectif est clair : identifier les méthodes optimales pour comprendre et contrôler la réaction de fusion. Si ce pari réussit, nous pourrions voir des réacteurs à fusion produire de l’électricité bien plus tôt que les prévisions actuelles ne le laissent espérer.
Cependant, le chemin vers la fusion nucléaire contrôlée reste semé d’embûches. Les défis techniques sont colossaux, allant de la maîtrise du plasma à des températures supérieures à celles du Soleil, à la conception de matériaux capables de résister à ces conditions extrêmes. C’est précisément là que l’IA pourrait faire la différence, en offrant des solutions innovantes à des problèmes jusqu’alors insolubles.
L’engagement d’EUROfusion envers l’IA ne se limite pas à la technologie elle-même. L’institution reconnaît l’importance cruciale d’impliquer des experts en science des données et en intelligence artificielle dans le projet. Cette approche interdisciplinaire pourrait bien être la clé pour débloquer les derniers verrous technologiques qui nous séparent de la fusion nucléaire commerciale.
Si ce mariage entre IA et fusion nucléaire porte ses fruits, les implications pourraient être révolutionnaires. Une source d’énergie propre, sûre et pratiquement inépuisable pourrait devenir une réalité, transformant radicalement notre paysage énergétique et offrant une solution durable aux défis climatiques auxquels nous sommes confrontés.
Alors que le monde regarde avec impatience les progrès de projets comme ITER, c’est peut-être dans les laboratoires d’IA que se joue l’avenir de la fusion nucléaire. EUROfusion a pris un pari audacieux, mais si l’histoire nous a appris une chose, c’est que les grandes avancées scientifiques naissent souvent de l’intersection inattendue de disciplines différentes. L’alliance entre l’IA et la fusion nucléaire pourrait bien être le prochain chapitre de cette histoire fascinante.